
En premières lignes...

L'issue
Cela faisait maintenant six jours qu'Omer était cloué au lit par une obscure maladie. Son médecin, qui lui rendait visite chaque semaine, ne parvenait pas à rattacher les symptômes observés à une pathologie précise et, comme Omer refusait obstinément de quitter son lit, il ne pouvait s'appuyer sur aucun des examens complémentaires qui se seraient imposés et qui auraient certainement établi le diagnostic. De fait, il en était réduit à prescrire des médications symptomatiques qui traitaient les conséquences du mal sans s'attaquer à ses racines. Le toubib avait beau menacer Omer de l'hospitaliser sous la contrainte, rien n'y faisaitæ. Et s'il avait jusque là renoncé à passer à l'acte, c'est parce que le pronostic vital n'était pas, pour le moment du moins, engagé.
Depuis qu'il avait pris sa retraite et mis en gérance Home'Hair, son salon de coiffure du rez-de-chaussée de l'immeuble, Omer cumulait les soucis de santé.
Déjà handicapé par une obésité morbide et des dorsalgies en rapport avec son ancien métier, il avait développé une broncho-pneumopathie chronique obstructive et un diabète avec les risques de complications qui sont livrés avec. Toujours est-il que cela faisait près d'une semaine que le plafond de sa chambre constituait son unique horizon, son surpoids et son mal de dos l'empêchant de se mouvoir dans le lit et de changer de position comme il l'aurait souhaité. Il en connaissait maintenant la géographie par coeur et pouvait décrire les moindres détails des corniches qui en faisaient le tour et des moulures qui ceignaient la fixation du plafonnier.
Célibataire endurci, les repas lui étaient livrés par les services communaux pour la durée de son alitement et une aide-soignante passait tous les jours pour assurer l'hygiène corporelle, la préparation du pilulier et les soins, des massages anti-escarres pour l'essentiel. C'était là ses seules distractions, la lecture et le visionnage de la télévision lui occasionnant des cervicalgies insupportables. Il ne fallait pas non plus compter sur des visites pour rythmer ses journées : fâché avec les quelques parents qui lui restaient pour des secrets de famille bien entretenus alors que plus personne n'en connaissait la genèse, et n'ayant pas vraiment d'amis, ses relations se limitaient à deux ou trois anciens clients, sans oublier Lulu, une professionnelle du fast-sex qu'il coiffait à l'occasion et qui passait le 5 de chaque mois, après qu'il eût touché sa retraite, pour lui assurer vite fait un petit plaisir mécanique.
à suivre...

Et si les arbres poussaient horizontalement ?
Harassé par une longue marche, je m'étais allongé à même l'humus d'un sous-bois à la fraîcheur bienvenue. Je ne tardais pas à m'assoupir, plongeant dans un onirisme dont vous allez peut-être me dire s'il relevait du rêve ou bien du cauchemar. Dans mon songe, la nature s'était en effet dotée d'une particularité pour le moins étrange : les arbres y poussaient horizontalement ! Plus de canopée, plus d'ombre où s'abriter du soleil, plus de vent dans les branches et impossible d'attacher son hamac ! Vous imaginez le foutoir ?
Des colonies d'enfants pleuraient sur leurs envies déçues de cabanes perchées tandis que d'autres cueillaient en riant des fruits désormais à leur portée.
Au beau milieu des rondes de vigiles, embauchés par des ecclésiastiques soucieux de faire échec aux pilleurs de troncs, ceux-là mêmes qui dépouillent le clergé comme au coin d'un bois, des amoureux transis gravaient sur les arbres couchés des
coeurs témoignant d'amours manquant singulièrement de hauteur.
Tandis qu'à la radio on annonçait que le prix L'Épine avait été attribué à l'inventeur du véhicule à enjamber les troncs, on apprenait en lisant Écorce-Matin qu'à Paris, un corps d'élite de bûcherons avait été créé pour protéger l'Élysée et Matignon de toute embûche fomentée par les Verts.
Privés de nids, les rouges-gorges avaient enfilé leurs gilets jaunes pour défiler et passaient ainsi à l'orange sans être inquiétés par la police. Alors que les écureuils, bombardant de noisettes des forces de l'ordre qui ripostaient en faisant flèche de tout bois, encaissaient sans être épargnés.
Côté santé, les vétérinaires étaient assaillis de pics-verts dont le sang était monté à la tête. Les chirurgiens opéraient à tour de bras des patients accidentés à des embranchements pour leur enlever en urgence les végétations. Et les infirmières se voyaient réquisitionnées pour retirer les échardes à ceux qui cherchaient coûte que coûte à se frayer un chemin dans cette jungle horizontale. Cette jungle encombrée de pâtissiers se prenant le chou chaque fois qu'ils ramassaient une bûche et de dépressifs ne sachant à quoi se pendre et qui, pleureurs, se jetaient au sol.
Alors que les ingénieurs des Ponts et Chaussées réfléchissaient à la faisabilité de routes verticales, les architectes dressaient les plans de maisons suspendues. Mais ils n'avaient pas encore trouvé à quoi les suspendre...
C'est la sournoise progression d'une branche venue bourgeonner entre mes cuisses, qui me réveilla. Je ne suis pas de bois que diable ! C'est avec la gueule de la même matière que j'émergeai de mon sommeil pour m'apercevoir que la végétation avait repris sa verticalité. Était-ce le fait de m'être allongé dans un bois qui m'avait précipité dans cette rêverie à coucher dehors ? La position horizontale de mon corps avait-elle poussé la forêt à se coucher elle aussi ? La question reste en suspens...
Croisons les doigts et touchons du bois pour que la dendrologie ne perde pas son charme ! Ce qui est sciure c'est que je vous fais le sarment de ne plus vous conter que des histoires à dormir debout !

Depuis qu'il avait épousé ce fichu métier qui le confrontait quotidiennement à d'indicibles tâches, il avait dû recourir à une auto-anesthésie affective sans laquelle il se serait sans doute déjà tiré une balle dans la tête. Cette abrasion des émotions, qui le prémunissait contre une dégringolade du moral dans les chaussettes, lui permettait en même temps de conserver un solide appétit tout en lui garantissant un sommeil acceptable.
Lors de son entretien d'embauche, le Chef de service de l'Institut Médico-Légal du CHU s'était quelque peu gaussé de lui :
- Le diminutif de Mortimer est Mort, n'est-ce pas ? Votre prénom vous prédestinait à cette profession, dites-moi !
- Il y a deux choses qui vous sont imposées dans la vie, lui rétorqua-t-il : vos parents et le prénom qu'ils vous choisissent.
J'avoue que les miens n'ont pas été très inspirés sur ce coup et que cela m'a valu pas mal de quolibets, mais je ne leur en veux pas. Mortimer signifie la mer morte, étale. Un gage de calme, d'équilibre et de sécurité.
Mortimer avait obtenu l'emploi d'agent de chambre mortuaire auquel il postulait. Non seulement il avait pu se prévaloir de la formation certifiante et habilitante reconnue en préfecture, mais encore sa présentation, son sérieux et son sens de la répartie avaient-ils séduit le médecin-chef de l'IML. En lui annonçant la bonne nouvelle, ce dernier avait proposé :
- Je ne suis pas superstitieux mais, si cela ne vous ennuie pas, je vous appellerai Timer. La mort est assez omniprésente ici pour ne pas en rajouter !
Il l'avait prononcé à l'anglaise et Mortimer avait immédiatement fait le rapprochement avec un minuteur. Se disant que remplacer la mort par l'instrument d'un compte à rebours était une trouvaille originale et somme toute acceptable, il avait acquiescé. D'autant que cela lui conférait un petit côté "british" qui collait bien à son style plutôt strict.
à suivre...

Tirant sur sa laisse pour aller renifler les traces des mictions itératives de ses congénères et les recouvrir de ses propres humeurs, Victor avait traîné Balthazar jusqu'à la place Porta, rebaptisée Place de la Libération par de Gaulle lors de sa visite en 1945. Du maître ou de son chien, on se demandait bien lequel promenait l'autre, mais Balthazar n'en avait cure : instinctivement, Victor le conduisait là où il voulait se rendre. Ombragée d'ormes et de palmiers et bordée de cafés, cette place abritait l'Hôtel de Ville et était dominée par l'imposante église Santa Maria Assunta dont le clocher de granit, à trois niveaux munis de baies et surmonté d'un dôme, étincelait en cette douce soirée de Vendredi Saint.
Une foule bigarrée avait envahi les vieilles ruelles pavées les plus escarpées de la cité médiévale de Sartène pour suivre le Catenacciu, la procession religieuse qui reconstituait en nocturne la marche du Christ vers le Calvaire. Balthazar ne
voulait rien manquer du spectacle. De son spectacle. Celui qu'il attendait depuis plus de dix ans. Il voulait être aux premières loges.
À 21 heures 30 précises, mené par le Grand Pénitent, les pieds nus et revêtu d'une robe rouge à capuchon, traînant 15 kilos de chaînes sanglées à sa cheville droite et portant à l'épaule une croix en chêne massif de 34 kilos, le cortège sortit de l'église et se déploya sur la place. Tel Simon de Cyrène, il y a plus de 2000 ans, aidant le Christ à gravir le Golgotha, un autre pénitent, vêtu d'une aube et d'une cagoule blanches, représentait la solidarité humaine en lui prêtant main-forte de temps à autre pour soutenir son lourd fardeau. Derrière eux cheminaient huit autres pénitents habillés de noir et portant sur leurs épaules une statue en bois polychrome du Christ gisant dans un linceul blanc, surmonté d'un baldaquin noir. Les pieds nus, en signe de repentance et d'humilité, ils étaient assistés par le clergé et les membres de la Compagnia del Santissimo Sacramento, une confrérie locale.
Alors que le cortège s'ébranlait et que ces derniers entonnaient un chant pénitentiel, deux hommes gantés et cagoulés de noir firent irruption de la rue du Purgatoire...
à suivre...

Lorsque Julien engagea son vélo dans la grande allée de marronniers qui mène au Château Neuf de Roquetaillade, il connut, comme chaque jour qu'il l'empruntait depuis bientôt trois mois, ce sentiment de plénitude, paradoxalement exaltant et lénifiant à la fois. Il pédala le plus lentement possible, laissant tous ses sens déguster l'offrande de ce matin d'automne.
C'est le crissement des pneus du fourgon de son patron sur le gravier qui le tira de son extase plurisensorielle. Pour faire bonne mesure, ce dernier entreprit de klaxonner et de lui lancer, goguenard, en passant à sa hauteur :
- Grouille garçon ! On a du boulot !
La fumée noire qui sortait du pot d'échappement acheva de le ramener à la réalité et il finit les derniers mètres en danseuse.
Julien rangea sa bicyclette contre le parapet du pont dormant qui franchit des douves de tout temps asséchées. Depuis le début du mois de novembre le château n'était ouvert aux visiteurs que le dimanche, et cela ne gênerait personne. Bravant d'inoffensifs mâchicoulis, il pénétra dans la forteresse par le porche principal surmonté de trois écus, dont celui aux cygnes des Leblanc de Mauvesin. Il savait pertinemment que ce n'était pas l'entrée réservée aux ouvriers travaillant à la restauration de la bâtisse, mais il prenait un malin plaisir à transgresser les codes sociaux et à endosser pendant quelques secondes la condition de châtelain. Personne ne lui en voulait d'ailleurs, pas même le Comte Sébastien de Baritault du Carpia, propriétaire des lieux, qui venait rituellement saluer les artisans à leur arrivée.
À ce jour, le montant prévisionnel des travaux intéressant le château neuf, le château vieux et la chapelle s'élevait environ à trois millions d'euros, autofinancés à hauteur de 15 %. Le reste se partageait entre la DRAC (50 %) et le mécénat (35 %). Les rénovations envisagées, confiées à un architecte spécialisé validé par les autorités préfectorales, étaient réparties en plusieurs devis, activés chaque année en fonction de la logique, des urgences et des financements disponibles.
à suivre...

Sous la conduite de Saint-Guily fils, architecte, une équipe d'ouvriers charpentiers avait investi la place Saint-Vincent dès l'aube afin d'éviter les attroupements et les possibles manifestations bruyantes ou déplacées. Sur instruction du Procureur Général du Roi, et en l'absence du Maire, c'est son adjoint Dupourqué qui l'avait requis pour construire un échafaud sur lequel l'exécuteur Faroux et ses adjoints, rompus à cet exercice particulier, dresseraient la guillotine. La commande étant inhabituelle, il avait dessiné les plans d'assemblage et fait préparer les boisages bien à l'avance pour gagner en efficacité et en discrétion le jour venu.
L'échafaud était une simple estrade de taille modeste, accessible par quelques marches, et dont l'horizontalité devait être parfaite afin de ne pas entraver le bon fonctionnement de la guillotine.
Son édification ne posa pas de problème particulier, sinon que les coups de maillet finirent par réveiller les riverains, déjà au fait du "spectacle" à venir et excités par cette animation sortant de l'ordinaire.
Pour monter la guillotine, une demi-heure suffira au bourreau et à ses sbires. Après avoir assemblé les traverses de la base sur la tribune, avoir calé le tout et vérifié que l'ensemble était bien de niveau, ils dressèrent à la verticale la première "jumelle", celle qui contient le mécanisme, et la maintinrent avec trois jambes de force. Ils firent de même pour la deuxième, en laissant un peu de jeu pour pouvoir insérer facilement les galets du "mouton", un poids de trente-huit kilos, dans les glissières en cuivre des jumelles. Ceci fait, ils serrèrent les boulons puis, à l'aide de deux échelles, montèrent le chapiteau dont les mortaises s'emboitent en haut des montants, sur les tenons correspondants. Ils vissèrent alors la clavette qui fait jouer le mécanisme de déclenchement de la lame de sept kilos, qu'ils fixèrent au mouton, puis passèrent la corde qui sert à remonter l'ensemble dans la gorge de la poulie qui surplombe le chapiteau. Ils installèrent ensuite l'entretoise qui maintient les jumelles en leur milieu, bloquèrent les montants par une ceinture métallique près de la base et positionnèrent sur la jumelle contenant le mécanisme la manette qui, en ouvrant la grenouille qui retient la flèche supérieure du mouton, déclenchera la chute du couperet. Resta à visser le socle de la bascule et cette dernière sur la base, à boulonner les demi-lunettes inférieure et supérieure et enfin à placer la corbeille en zinc doublé d'osier qui recueillera la tête, ainsi que le paravent et la baignoire pour le corps.
à suivre...

1952. Ce demi-siècle avait deux ans aurait pu écrire Victor Hugo...
Dès les premières semaines de sa vie, Baptiste manifesta, à sa manière, l'admiration qu'il portera plus tard à l'auteure belge bien connue d'Anachlorhydropepsie des tubes ! Vomissant en jet tous ses biberons et manifestant sa faim par des hurlements sans fin, les médecins diagnostiquèrent une sténose du pylore. Un épaississement du muscle pylorique, qui marque la jonction entre l'estomac et le duodénum, bloquant tout passage alimentaire.
Opéré alors qu'il n'avait pas un mois, une cicatrice de 15 centimètres en hémi-ceinture sur le flanc droit attestera que la
laparoscopie n'avait malheureusement pas encore supplanté la laparotomie.
Baptiste s'accommodera de ce stigmate avec sa désinvolture habituelle. Aux demoiselles estomaquées en découvrant son torse adolescent, il assurait avec aplomb que cette balafre résultait d'une cornada infligée par un novillo lorsqu'il était apprenti torero à Nîmes !
Cet avatar néonatal conditionnera sans doute la fluctuation de tous ses appétits, notamment intellectuel. La faim d'apprendre, la soif de savoir, l'appétence scolaire... Le lien entre avidité intellectuelle et oralité est évident. Mais si vous donnez le même menu à tous les enfants, certains friseront l'indigestion alors que d'autres resteront sur leur faim. Est-ce aux élèves de rentrer de force dans le même moule imposé, ou bien est-ce à l'enseignement de s'adapter aux besoins spécifiques de chacun d'entre eux ? On dit souvent que l'enfant doit endosser le costume d'élève. Alors pourquoi ne pas lui proposer du sur mesure plutôt que du prêt-à-porter ?
Et l'inhibition intellectuelle, ce passage d'une intelligence sidérante à une efficience sidérée, n'est-ce pas une sorte d'anorexie ?
Baptiste, ou l'histoire d'une sténose annoncée...
à suivre...

DÉTECT'YVES
Cela faisait trois bonnes heures qu'Yves Grangier surveillait l'entrée du "Détective Hôtel" depuis sa Clio, poussiéreuse dedans et cabossée dehors. Un comble que de faire le pied de grue devant un établissement au nom pareil quand on est un privé ! Ses yeux le brûlaient terriblement à force de fixer la double porte en verre trempé dépoli de ce 2 étoiles qui, extérieurement, ne payait pas de mine. Sans doute aussi parce qu'il avait fumé de façon irraisonnée pendant cette interminable attente et que l'habitacle de la voiture empestait la Gauloise. La bruine qui tombait sur Étretat depuis la fin de l'après-midi n'arrangeait rien et Grangier avait dû jouer, tantôt avec les essuie-glaces tantôt avec le lève-vitre, pour combattre tour à tour la pluie, la condensation et la fumée. Avec l'autoradio aussi, pour lutter contre le sommeil. Et en mâchonnant un cure-dents pour résister à une fringale féroce
que n'avait pas calmée le petit sandwich au pain de mie que Camille, sa secrétaire-assistante, lui avait préparé à la hâte.
Ce n'est que vers minuit trente que Charles de Perricourt sortit enfin de l'hôtel, un sac de voyage à la main, et s'engouffra dans sa BMW garée un peu plus haut sur l'avenue George V. Juste le temps pour Grangier de prendre quelques clichés en rafale au zoom avec son bridge Sony. Rien de bien compromettant en soi mais la constance que mettait cet homme à se rendre dans des hôtels proposant des chambres à thèmes intriguait Grangier. Ce n'était pas la première fois qu'il le prenait en flag devant le Détective Hôtel, un établissement qui propose des chambres censées, par leur décor, vous plonger dans l'atmosphère intime des détectives les plus célèbres, d'Arsène Lupin à John Steed en passant par Sherlock Holmes, Hercule Poirot, Miss Marple, Nestor Burma et bien d'autres... Même Tintin figure au catalogue ! Grangier se demandait s'il aurait ici un jour une chambre à son nom, de préférence la plus prestigieuse et la plus chère ?
à suivre...

L'arrivée du gâteau de fiançailles sur la table déclencha des applaudissements nourris mêlés de murmures admiratifs. Lucette Coustère rosit de plaisir.
- Il est parfaitement réussi, chérie ! s'exclama Jean. S'il est aussi bon que beau...
- Vous êtes une cuisinière hors pair, Lucette ! Ce déjeuner fut un régal de bout en bout. Un feu d'artifice de dressages élégants et de saveurs délicates. Et ce magnifique gâteau en est le bouquet final.
- Merci Philippe, bredouilla Lucette qui était passée du rose au rouge, moins à cause du compliment que du clin d'oeil complice qui l'accompagnait. Vous savez, tout est dans la décoration en pâte à sucre. Pour le reste, c'est tout simplement un gâteau au chocolat avec du sirop de vanille et une crème au beurre chocolaté. J'espère que vous aimerez.
- Merci maman, dit Inès en prenant sa mère dans les bras pour l'embrasser. Tu nous as gâtés.
- Merci belle-maman, renchérit Jacques.
- Tu m'appelleras belle-maman quand vous serez mariés. En attendant, c'est Lucette.
- Merci Lucette ! se reprit-il en souriant.
- Même chose en ce qui me concerne, ajouta Philippe à l'intention d'Inès. Pas de beau-papa s'il te plaît. Et pas plus après les noces que maintenant d'ailleurs !
- Pareil pour moi fit Jean pour ne pas être en reste.
Seul Louis Cazenave, le frère cadet de Jacques, ne participa pas à ce concert de civilités. D'une nature réservée, il se contentait de sourire. Un sourire vague, pas adressé. Quand il n'était pas tout simplement perdu dans d'impénétrables pensées. Inès étant fille unique, il n'y avait pas d'autre jeune autour de la table, ce qui ne chagrinait pas Louis outre mesure. Il n'aimais pas être en société, se sentir obligé de lier connaissance. Encore moins de tenir une conversation. Pour l'heure, il s'ennuyait ferme et trouvait ce repas interminable.
Jacques choisit ce moment pour sortir de sa poche un petit paquet entouré d'un joli noeud de soie blanche qu'il tendit à Inès.
- Pour toi ma chérie, en témoignage de mon amour et en signe d'engagement.
à suivre...